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Keiji Takeuchi : « La canne est un objet stigmatisant et pourtant universel »

Keiji Takeuchi, 47 ans, a ouvert son studio à Milan en 2015, après sept ans passés auprès du designer Naoto Fukasawa, à Tokyo. Elevé en Nouvelle-Zélande, ce diplômé de l’Ecole nationale supérieure de création industrielle, à Paris, collabore avec plusieurs marques internationales, de Boffi à Ligne Roset, en passant par Alessi et Herman Miller. A l’initiative de l’exposition « Walking Sticks and Canes » (« bâtons de marche et cannes »), présentée à la Triennale de Milan, au printemps, durant la Design Week, il nous explique sa démarche.
Pour moi, le rôle idéal du design, c’est d’améliorer le quotidien de nos contemporains. J’aime concevoir des meubles, mais je me suis mis au défi d’explorer un domaine plus inclusif. M’est venue l’image de la canne, parce que nous avons tous des souvenirs de grands-parents appuyés sur ces bâtons de marche. C’est une réminiscence de l’enfance que nous partageons, alors que l’objet lui-même n’est pas forcément bien conçu. Améliorer la qualité des cannes pourrait donc enrichir nos expériences de vie communes. J’ai invité des designers que j’admire à se prêter à l’exercice, comme le Britannique Jasper Morrison, le Français Pierre Charpin ou le Danois Anker Bak. Je souhaite que cette exposition fasse passer un message et incite les jeunes générations à davantage étudier le design inclusif, qui vise à améliorer la qualité de vie de chacun.
J’ai imaginé Up après avoir vu des personnes âgées assises sur des bancs publics ou des fauteuils bas qui luttaient pour se lever avec leur canne. Il existe déjà des modèles dotés d’une barre horizontale secondaire en leur milieu pour que les gens puissent la saisir mais, vu leur aspect déprimant, je sentais que personne ne serait heureux de posséder un tel objet. J’ai alors cherché un autre moyen de réunir le fonctionnel et le désirable. J’ai enroulé des cordons dans la tige verticale de la canne, de manière à offrir une prise généreuse à laquelle s’accrocher. Cet outil, sans avoir l’air trop technique ou médical, permet de se mettre debout, avec dignité.
Au départ, je voulais éliminer la stigmatisation associée à l’usage des cannes. Si de nombreux bâtons sont proposés à la vente et recommandés d’un point de vue médical, ils ne donnent pas naturellement envie de se promener, comme le feraient de joyeux compagnons de marche. Sur les gens âgés ou diminués qui les manient se porte un regard de pitié, alors que la canne a autrefois été un symbole de pouvoir, de richesse et même un accessoire de mode. La canne est un objet stigmatisant et pourtant universel, qui dispose d’un potentiel illimité, mais encore peu étudié. L’exposition, présentée à Tokyo du 12 au 27 octobre, puis aux Etats-Unis, fera, je l’espère, le tour du monde. Sera aussi lancée une publication, Walking Sticks, chez Lars Müller Publishers, le 18 octobre, à Tokyo.

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